Les Maîtres chanteurs de Nuremberg

Dans le cadre du Cinquantenaire du Cercle National Richard Wagner – Paris,
le 5 mars 2016, à l’Opéra Bastille

 

Le début du dernier acte du cinquantième anniversaire du CNRW – Paris a réuni nos amis étrangers et francophones à l’Opéra Bastille pour assister à une représentation des Maîtres chanteurs de Nuremberg. Coproduction avec le Festival de Salzbourg, dont les représentations ont eu lieu en 2013, cet ouvrage revient à l’Opéra de Paris après une absence de 27 ans.

Sans doute pour atténuer la virulence politique de l’œuvre, le metteur en scène norvégien, Stefan Herheim, a mis l’accent sur son côté comique, avec le risque parfois de frôler le ridicule (les nombreuses gesticulations de Hans Sachs se roulant par terre), et nous a plongés dans l’univers de l’enfance et la féérie des contes des Frères Grimm. Il a ainsi fait revivre les personnages de ces contes (Blanche Neige et les sept nains, le Petit Chaperon rouge et le Loup, Peau d’Ane, le Chat Botté…) qui défilent à l’acte II, entre des livres géants.

Le haut du secrétaire devient un somptueux buffet d’orgue

Pendant l’ouverture, un Hans Sachs échevelé cherche désespérément l’inspiration, tel Wagner, avant de sombrer dans la nostalgie du passé devant les jouets de ses enfants perdus. Grâce aux moyens techniques de l’Opéra Bastille, et à l’originalité du metteur en scène, le mobilier bourgeois de l’atelier de Sachs se transforme en de gigantesques décors : le haut du secrétaire devient un somptueux buffet d’orgue, des personnages sortent d’armoires géantes au milieu d’une forêt de livres, les souliers du cordonnier sont immenses. C’est un vrai plaisir visuel. Le dernier acte est une fête populaire pleine de vie, avec géants de carnaval, serpent-dragon, paysannes couronnées de fleurs.

La jolie Julia Kleiter
qui compose une immature Eva

Le baryton canadien, Gerald Finley, a prouvé, de nombreuses fois, qu’il était un excellent Hans Sachs, émouvant et complexe dans ses sentiments. Il possède une solide maîtrise vocale et une belle musicalité, mais sa voix se perd un peu dans la grande salle de l’Opéra Bastille. Le ténor américain Brandon Jovanovich est un beau chevalier du Moyen Âge, charmeur et impétueux, assez désorienté devant les hésitations d’Eva. Il domine sans problèmes la tessiture de Walther, avec une voix chaude et timbrée. Sa partenaire est la jolie Julia Kleiter, qui compose une immature Eva, dont le cœur et la raison balancent entre le rassurant Sachs et le fougueux Walther. En Beckmesser, le grand Bo Skovhus est irrésistible, et sa tentative de réconciliation avec Hans Sachs, au finale, est bouleversante, Sachs se révélant moins charitable que dans sa légende… Toby Spence est un habitué du rôle de David, mais il m’a semblé en petite forme. Le reste de la distribution est d’un haut niveau, et le chœur de l’Opéra de Paris est toujours aussi remarquable. Sous la direction attentive et délicate de Philippe Jordan, l’orchestre nous propose de beaux moments de volupté sonore.

Cette représentation des Maîtres chanteurs a agréablement occupé la première partie de ce week-end festif avec nos amis étrangers et francophones.

Chantal Barove