De Wagner au cinéma : histoire d’une fantasmagorie, par Laurent Guido

Publié le - 15h15Hôtel Bedford

Cette communication interroge le discours qui fait de Wagner, et, plus précisément, de ses conceptions esthétiques, un précurseur du cinéma à grand spectacle. Le cinéma constituerait l’aboutissement de l’« œuvre d’art totale » : synthèse des arts envisagée par Wagner comme une résurgence de la tragédie antique, dans le cadre de la modernité. Après avoir discuté l’analogie entre le dispositif scénique mis en place à Bayreuth et celui du spectacle cinématographique, on abordera les propos enthousiastes des théoriciens du cinéma de l’entre-deux-guerres, positions qui culminent avec les diverses interventions de S. M. Eisenstein sur Wagner. La plupart des questions dont traitent ces auteurs font écho non seulement à des enjeux esthétiques, techniques ou culturels, mais aussi aux notions développées par les rénovateurs de l’expression gestuelle et théâtrale, avec, au premier rang, Adolphe Appia.

On examinera ensuite la manière dont le film narratif classique a pu être envisagé en prolongement du « drame musical » de Wagner. Le procédé du « leitmotiv » occupe une place centrale dans ces discussions autour de l’accompagnement orchestral du grand spectacle cinématographique, des adaptations sonores dans le muet aux partitions musicales du cinéma hollywoodien. Cela nuancera le discours dominant qui affirme que les stratégies employées dans la musique de film narrative seraient d’inspiration wagnérienne. Ces réflexions font largement écho aux débats engagés dans la première partie autour de la part d’illusionnisme « fantasmagorique » qui a régulièrement été perçue comme un trait « wagnérien » ayant marqué, plus ou moins directement, l’essor des médias audiovisuels modernes.

La communication s’ouvrira et se conclura sur le contexte contemporain : d’une part, les opéras filmés diffusés par les réseaux numériques ; d’autre part, les blockbusters se réclamant de Wagner, tant pour leur prétention mythologique que pour la place cruciale qu’ils accordent encore au leitmotiv.

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Laurent Guido est historien du cinéma et des médias, professeur à l’Université de Lille. Il intervient régulièrement à la haute école d’art de Lausanne. Il a longtemps travaillé à la section de cinéma de l’Université de Lausanne, qu’il a dirigée entre 2010 et 2014. Il a été invité pour des séjours de recherche à Paris 1 et Chicago, puis d’enseignement à Montréal, Paris Nanterre et Bruxelles. Associant l’esthétique à des questions socio-historiques, il travaille principalement sur les liens entre film, corporéité et musique, ainsi que sur les théories du spectaculaire dans le contexte de la culture de masse.

Il a notamment publié L’Age du rythme (éd. Payot, 2007, rééd. 2014), rythmer / rhythmize (éd. Intermédialités, 2010, codir. avec M. Cowan), Aux sources du burlesque (éd. AFRHC, 2010, codir. avec L. Le Forestier), Between Still and Moving Images (éd. John Libbey Publishing / Indiana University Press, 2012, codir. avec O. Lugon), Mythologies du film musical (éd. les presses du réel, 2016, avec M. Chabrol), Visages. Histoires, représentations, créations (éd. bhms, 2017, codir. avec M. Hennard, B. Maire, F. Panese et N. Roelens). Deux essais à paraître en 2018 : De Wagner au cinéma. Histoire d’une fantasmagorie (éd. Mimésis) et Cinéma, mythe et idéologie : Wagner chez Syberberg et Herzog (éd. Hermann).